Friday, November 23, 2007

Thursday, November 22, 2007

Les hommes au téléphone 18/18 (fin)

Epilogue

Il serait faux de croire qu’il n’y a pas de rapport sexuel au téléphone rose. Sans paraphraser Jean-Luc Nancy lorsqu’il décrypte la phrase de Lacan, je crois qu’« il y a »rapport sexuel parce qu’il y a sexuation d’une relation entre deux êtres, même si la relation s’opère dans une distance, par téléphone interposé, et dans l’anonymat. C’est cet « entre-deux » si particulier, entre le « il y a » et le « il n’y a pas », ce pouvoir et ce non pouvoir, au sens de domination et d’impuissance, ce lâcher prise et cette retenue, qui fait que je n’ai oublié aucun de ces hommes au téléphone.

Wednesday, November 21, 2007

Les hommes au téléphone 17/18

Un nouveau soir, après m’avoir envoyé une photo de son sexe, je reçois un message : « Envie de vous entendre jouir maintenant au téléphone. Décrochez et jouissez. » Samuel utilise les mêmes mots que j’utilisais avec les hommes que je faisais jouir au téléphone. Je lui donne mon numéro comme les autres hommes me donnaient le leur. Il appelle. Je suis déjà mouillée par l’excitation de sa demande. Je me caresse au téléphone. Je gémis, je soupire, je jouis, je crie. Je l’entends me dire, me répéter, dans un souffle court : « Je vais venir vous baiser à Rouen ». L’entendre parler et entendre ces mots décuple mon excitation. Je ressens pour la première fois la sienne. Je sais comment il baise. Sans les mots. Aux inflexions de sa voix.

Tuesday, November 20, 2007

Les hommes au téléphone 16/18

Un soir, il me propose de lui laisser un doux message sur son répondeur téléphonique J’accepte ce jeu. Je me caresse pour la première fois au téléphone sans que personne ne m’écoute à l’autre bout du fil. Il me rappelle le lendemain me disant qu’il écoute dans sa voiture, branché sur le haut-parleur, mes gémissements de plaisir entre d’autres messages sauvegardés.

Un autre soir, je lui envoie un message sur son téléphone lui disant que je me caresse. Il répond qu’il est au restaurant avec des amis mais que je l’appelle lorsque je serais prête à jouir. Je l’appelle comme convenu. Il décroche, sort sur le trottoir et m’écoute jouir sans rien dire. Il me comparera à une Ferrari, m’enverra un message quelques minutes plus tard me racontant que les autres convives lui disent que son visage ressemble au visage de quelqu’un qui a appris une bonne nouvelle.

Le savoir dans cette situation m’excite au plus haut point. Je découvre chez moi une forme de plaisir que j’ignorais encore.

Monday, November 19, 2007

Les hommes au téléphone 15/18

Une autre fois, il est dans un hôtel à la montagne, dans son lit. Je suis chez moi, dans mon lit. Jouir avec un homme au téléphone, c’est sentir comment il se branle en entendant les intonations de sa voix, c’est sentir comment il baise en entendant les mots qu’il aime dire. Mais Samuel ne dit rien. Il ne livre rien de lui. Je ne sais si c’est un manque d’expérience au téléphone ou un acte volontaire. Je ne sais dire s’il se branle vraiment à cet instant. Rien ne transparaît. Je me caresse seule, avec pour unique excitation le fait de savoir qu’il m’entend. Il renverse les règles. Ce n’est pas moi qui domine. J’aime être soumise sachant que je domine le jeu. Samuel change les règles du jeu. Je me caresse, j’imagine sa main ou ma bouche sur sa queue. Je lui raconte ce dont j’ai envie avec lui. Je me fais jouir. Il ne dit rien. Je m’inquiète de savoir si ça va, ce que je n’ai fait avec aucun autre homme au téléphone, si cela était bien. « Vous êtes bien toutes les mêmes ». Long silence. Phrase aux multiples sens, je ne sais si cela est le signe d’une déception, d’un mépris, d’un détachement, d’une habitude de la pratique. Samuel est le premier qui me met dans un état de colère lorsque je raccroche. Mais face à moi-même, je ne peux m’empêcher de reconnaître qu’il m’excite tout autant qu’il m’énerve. Je n’ai aucune prise sur lui. Il me fait douter de mes capacités de pute au téléphone. Je m’interroge. Aurai je donc perdu ce que j’ai exploité durant des années ? Ou est ce l’homme d’aujourd’hui qui a changé ? Samuel est il un de ces nouveaux hommes qui prend soin de sa peau, se féminise et retient aussi ses instincts mâles au téléphone rose ? Samuel pourrait se lâcher, vanter les mérites de sa queue en imaginant me soumettre à son plaisir. Il n’en est rien. Samuel m’intrigue. Samuel est un homme marié qui veut voir ailleurs. Il veut voir. Seulement voir. Donc seulement écouter.

Sunday, November 18, 2007

Les hommes au téléphone 14/18

Je connais le visage de Samuel, sa façon de bouger, ce qu’il fait. Lui ne me connaît pas, ne connaît pas mon visage. Je l’invite un après-midi au téléphone après l’avoir senti excité dans les mots qu’il a écrit. Sa voix est assurée et troublante mais brouillée par des bruits sourds. Le résultat est catastrophique. Seconde séance dans le calme de sa voiture à l’arrêt. Voix décontractée puis des intonations peu à peu différentes. La voix intime, la seule qui m’intéresse. La voix est un second visage. Etre dans l'intimité du désir de chacun des hommes au téléphone sur la ligne rose, celle où l’on lâche ses mots comme on lâche son foutre. Samuel n’est ni tout à fait semblable aux autres hommes, ni tout à fait différent. Il dit des mots, pendant que je me caresse, qu’aucun autre homme ne dit au téléphone. Il dit « vous » mais il dit « chérie ». Les autres disent « tu » et n’emploient jamais les mots réservés à leur femme. C’est presque une règle implicite. Il dit « ça vient, là, n’est-ce pas ? ». Je réponds « oui » dans un soupir de plaisir. Il dit « allez, venez, chérie ». Je viens, je sens le plaisir qui monte. Il ne dit rien d’autre et m’écoute jouir, gémir et crier.

Saturday, November 17, 2007

Les hommes au téléphone 13/18

L'envie, à nouveau, de la voix pornographique avec un inconnu. L’envie du jeu érotique m'est revenue avec lui. A l'heure de la webcam, de la visiophonie, de Facebook, écouter simplement la voix d’une inconnue reste le dernier vestige d'un érotisme presque luxueux. Une douce liqueur parmi tous ces alcools forts.

Retrouver le goût secret du boudoir, de la voix intime derrière la voix publique, des mots secrets, ceux de l'intimité la plus profonde, ceux du sexe.

Samuel écrit des mots excitants dans des messages électroniques. Mais Samuel ne dit presque rien au téléphone. Un silence qui pourtant me tient et me fait jouir comme rarement j’ai joui au téléphone. Il y a dans son silence tous les mots que j’imagine, dans son souffle ou son soupir lâché la sensation intense de plaisir chez moi de l’ultime coup de rein reçu, viril et profond, celui qui me fait jouir. Samuel crée du désordre là où j’avais bâti un ordre bien établi au fil des conversations avec tous ces hommes.

Friday, November 16, 2007

Les hommes au téléphone 12/18

Une longue période sans téléphone rose a passé. Je revins à ces conversations érotiques durant ma période de célibat. Je me servais de l’excitation des hommes avec ma voix comme on utilise un gode. La voix devenait sex-toy. Je cherchais moins à faire jouir les hommes qu’à me faire jouir moi-même en utilisant leur excitation.

Je fis plusieurs rencontres. Je passais à l’acte lorsque j’en avais envie.

Une relation devint plus sérieuse. La ligne rose n’est alors plus motivée chez moi par l’excitation du pouvoir, mais devient l’instrument d’une excitation mutuelle compensant un manque entre nous deux. Séparés par la distance géographique de temps à autre, faire l’amour au téléphone nous permet de combler ensemble une intimité qui nous fait défaut dans l’attente des retrouvailles. Je ne joue plus avec les intonations de ma voix. Le téléphone devient le moyen de se faire jouir en faisant appel à des souvenirs sexuels communs ou des façons de se projeter dans un lit et de décrire nos envies réciproques.

Et puis, il y a eu Samuel.

Thursday, November 15, 2007

Les hommes au téléphone 11/18

C'est aussi au son de sa voix que j'ai compris que notre relation allait cesser. Sa voix n'était plus la même au téléphone. Sa voix était fuyante, embuée. Je lus un message de lui, un soir, sur l'écran, un des derniers qui devait exister entre nous. « J'ai besoin de temps. Je préfère que ce soit moi qui rappelle en premier. Très sincèrement, tu es une fille très bien et je ne regrette pas le moins du monde tout le temps que nous avons passé ensemble. Je t'embrasse. Philippe ».

Je compris avec lui lors de discussions ultérieures que tromper sa femme avec une voix n'était ni risqué, ni gênant, ni culpabilisant, mais que le passage à l’acte l’avait rendu coupable. Le secret de la voix désincarné de tout corps, c'est l’assurance d’un secret, celui qui ne met pas en danger, celui qui, s'il apparaît au grand jour, sera toujours facile à justifier. Se poser en victime d'une femme hystérique se serait déjà vu. J'ai très vite compris que faire l'amour au téléphone impliquait à la fois confidentialité, respect mutuel mais aussi détachement, dissociation du fantasme et du réel. Ne rien attendre du reste. Les hommes mariés sont de merveilleux amants virtuels car ils s’abandonnent sans peur dans la virtualité. Il faut simplement ne rien attendre d’autre. Alors, je me pose de nouvelles règles. Couper court lorsque la voix est lâche. Prendre une voix cinglante et castratrice, puis cesser les conversations sera ma seule réponse à l'irrespect, l'impolitesse ou le mépris. J’accepte d'être le jouet d'un homme marié parce que c’est très jouissif, d'être la putain tandis qu'il vénère la maman qu'est devenue son épouse. Une seule règle toutefois me guide : ne pas accepter la goujaterie.

Wednesday, November 14, 2007

Les hommes au téléphone 10/18

Ce fut le commencement de trois mois d’une relation intense via le téléphone.

Il m'appelait entre deux consultations de patients, entre deux visites. A cette époque, nous n'avions ni l'un ni l'autre de téléphone portable. Je l'appelais d'une cabine téléphonique lorsque je n'étais pas seule chez moi. D'une autre cabine avant d'entrer le matin à mon bureau parisien où je n'étais jamais seule. Aujourd'hui encore, la vision de cette cabine téléphonique me rend nostalgique de cette relation. Il profitait d'un moment de calme où ses enfants jouaient dans le jardin, où sa femme était occupée à l'étage pour m'appeler. Il ne cessait de me répéter que je lui manquais, qu'il avait besoin d'entendre ma voix. Les moments de sexe au téléphone où nous jouissions ensemble étaient de véritables moments d'intimité. Dans mon bureau rouennais où j'étais seule, je frémissais à chaque appel. Je me souviens avoir joui avec lui à l'autre bout du fil, jambes écartées sur le bureau, lui assis derrière son bureau pendant que ses patients attendaient dans la salle d'attente.

Je partis quelques jours en Bretagne avec mari, filleule et famille. Je me souviens de petits matins dans le brouillard de la Rance, à Saint-Suliac, au téléphone avec lui, pendant que tout le monde dormait encore.

Il m'envoyait de longues lettres enflammées, que je garde encore. Elles commençaient toutes par "Mon Amour". Le courrier transitait par nos bureaux avec des mentions « confidentiel » sur les enveloppes. Il m'envoya une bague. Une bague que je conserve toujours. Même si nous échangions des photographies, c'est la voix qui était présente dans nos pensées mutuelles. Nous décidâmes de nous rencontrer. Le prétexte fut trouvé, préparé. Je me rendis à Bordeaux. Je vis le bureau d'où il m'appelait. C'était étrange de pouvoir toucher tout ce qui était jusque là décor et corps imaginaires. Nous fîmes l'amour sur le bureau de ce cabinet médical que j'avais tant dessiné dans mon esprit. Nous passâmes le reste de notre temps dans la chambre d'un grand hôtel à Bordeaux. J'ai retrouvé à mon oreille le son de son soupir quand il a joui. J'ai retrouvé le son de sa voix, blottie contre lui. Nous nous sommes rencontrés à nouveau un week-end, quelques semaines après.

Tuesday, November 13, 2007

Les hommes au téléphone 9/18

Philippe avait 33 ans. Il était médecin à Bordeaux. Il était marié, père de plusieurs enfants. Pour la première fois, avec lui, j'ai répondu à des questions en dehors du sexuel. Je lui ai dit que j'étais assistante d'un architecte, ce qui était presque la vérité, à l'époque. Je lui dis être également mariée, avoir une fille de dix ans, ce qui était presque la vérité même si la fillette en question avait douze ans et n'était pas vraiment ma fille. Du plus loin que je me souvienne, je crois lui avoir proposé de l'appeler pour faire l'amour au téléphone. Il a accepté, m'a donné son numéro. Je l'ai appelé. Il avait une voix très douce, mais très lointaine, très feutrée. Il parlait très bas. J'ai commencé à lui dire les phrases que je disais aux autres hommes. Je lui décrivais comment je le suçais, comment je prenais sa queue dans ma bouche, employant les mots crus, comme avec les autres. Il me demandait sans cesse de décrire ce que je faisais en me caressant, comment je mettais mes doigts. C'était la première fois que l'on me demandait cela avec autant de détails. Je n'aimais pas trop cela. Ce qui m'excitait c'était entendre le désir de l'autre, son excitation monter, son envie de jouir. Il se caressait. La première fois, il a joui assez silencieusement. Il m'a demandé si nous pouvions nous rappeler, si j'avais une boîte à lettres électronique. Je lui ai dit qu'il pouvait me laisser un message, ce qu'il fit. Je me souviens très bien de son message : il me disait qu'il avait aimé ma voix chaude et sensuelle, que je pouvais le rappeler. Il me donnait les jours et les heures où je pouvais le faire.

Monday, November 12, 2007

Les hommes au téléphone 8/18

Beaucoup d’hommes m’ont demandé si je pouvais me caresser avec une autre femme et leur faire écouter, ou baiser avec un homme et leur faire écouter. Beaucoup me demandaient de leur faire écouter le bruit de mes doigts mouillés caressant mon sexe ou du tissu de ma culotte contre ma chatte. Peu d’hommes ont sollicité une rencontre réelle. Dans leurs messages électroniques, les hommes étaient très loquaces, puis au téléphone, tous ou presque, très intimidés. Seuls quelques habitués du téléphone rose ont de l’assurance. Mais ce ne sont pas les hommes qui m’intéraissaient. Je me souviens de quelques hommes en particulier que j’ai eu une seule fois au téléphone. L’un deux s’appelait Patrick. Il me demanda d’imaginer un scénario où nous étions dans un entrepôt, au milieu de palettes et de containers. Il changea sa voix au bout de quelques minutes et me demanda de l’attacher dans cet entrepôt, de lui arracher ses vêtements, de le frapper. Je me souviens qu’il m’avait été très difficile de concrétiser ce scénario au téléphone. Je me souviens d’un autre homme qui m’avait demandé de lui raconter ce que nous ferions ensemble dans un ascenseur d’hôtel. Je lui racontais, j’entendais ses réponses, puis j’entendis soudain une autre voix, la voix d’un autre homme. Le premier me raconta qu’il avait envie de partager ce moment avec un ami. J’ai fait jouir ces deux hommes au téléphone les laissant imaginer une séance à trois avec moi. Je me souviens aussi d’un homme d’une cinquantaine d’années qui voulait me raconter ce qu’il faisait avant d’imaginer comment il me prendrait chez lui. Il me décrivait des séances à plusieurs qui avaient eu lieu la veille, je comprenais alors assez rapidement qu’il me décrivait un film pornographique dans lequel il s’était projeté.

Je me souviens d’un médecin-psychiatre qui m’avait donné son adresse après s’être branlé dans sa baignoire au téléphone avec moi. Il me proposait de le rejoindre pour baiser quelques heures par semaine avec lui.

Toutes les conversations commençaient de la même façon. Après avoir annoncé mon prénom au téléphone, je leur demandais comment ils étaient habillés, comment ils étaient installés, je leur racontais comment j’étais habillée du dessus aux dessous, puis je leur demandais quelles étaient leurs envies. Je ne laissais jamais une conversation sortir du cadre sexuel ou du fantasme sauf pour un ou deux hommes dont je parle ici.

Sunday, November 11, 2007

Les hommes au téléphone 7/18

Des mots reviennent souvent dans les conversations : « chienne », « pute », « tu es en chaleur ». Je joue mon rôle. Je suis tour à tour la chienne en chaleur, la pute soumise. Je décris ce que je leur fais. Je prends le temps de prononcer les mots au sortir de ma bouche. Je me souviens en effet d’une phrase d’Ariane Mouchkine parlant à ses comédiens : « Si vous dites le mot « croustillant », nous devons entendre que cela croustille dans votre bouche ». Lorsque je prononce le mot « sucer », je travaille chaque intonation du mot pour que ma voix suggère une bouche qui descend et remonte lentement le long de leur queue. Ils doivent sentir au même moment où mes mots glissent à leur oreille que ma bouche glisse le long de leur sexe, simplement par ma voix.

C’est une manière pour moi d’être au plus près d’une intimité que je construis avec eux l’espace d’un quart d’heure au téléphone. Me glisser dans leur peau d’homme en est une autre. Je m’imagine à leur place. Au fur et à mesure de ce que je leur raconte, je sens très vite ce dont ils ont envie, d’une femme dominatrice ou soumise, de descriptions détaillées ou de gémissements. Des mots qui les font jouir assez vite : « donne moi ton foutre », « tu as les couilles pleines, je le sens, donne le moi, vide-toi dans moi ». J’aime entendre leur cri quand ils jouissent. Je ne sais si les gémissements des femmes sont très différents d’une femme à l’autre, mais le gémissement de jouissance d’un homme est assez semblable d’un homme à l’autre. J’ai entendu ainsi au fil des appels des centaines de soupirs rauques, de cris courts et presque retenus. Je suis souvent celle qui raccroche en premier. Je termine par les mêmes mots avec une voix très douce. Une règle importante : ne pas rentrer dans le réel, rester la voix incarnant le fantasme.

Saturday, November 10, 2007

Les hommes au téléphone 6/18

Les hommes au téléphone sont à la fois très différents mais très semblables dans leurs fantasmes. Il y a les timides, ceux qui dialoguent par écran interposé pour fantasmer, pour tromper leur femme sans la tromper. J’élimine très vite les puceaux. Je n’ai pas envie de jouer avec tout le monde. J’aime les maris timides. Je les emporte vite dans l’idée de me laisser leur parler au téléphone. Je sens chez eux le goût d’un interdit qui leur fait peur et je n’aime rien tant que les entendre se laisser aller avec moi. Je rejoue Eve offrant une pomme à croquer. Les hommes mariés ressemblent à des évadés. Ils veulent tout. Toutes les pommes. Ils veulent entendre comme je les suce. Ils ont tous un point commun, ils disent tous « sois une vraie salope ». Lorsque nous construisons un scénario ensemble, à quelques exceptions près, ils rêvent tous de hauts talons, de jambes galbées dans des bas noirs, de porte-jarretelles et de jupes moulantes. Ils aiment les femmes bourgeoises totalement vicieuses, celles qui se jettent sur leur queue. Ils rêvent tous de sodomie et de fessées pendant une levrette virile. Lorsque j’ai commencé ces conversations au téléphone rose, j’avais 25 ans. Presque tous mes interlocuteurs avaient entre 35 et 40 ans. Ils appellent le plus souvent du bureau. Ils remarquent dans ma description physique mes gros seins. Ils me demandent tous de prendre leur sexe entre mes seins.

Friday, November 09, 2007

Les hommes au téléphone 5/18

C’est quelques jours après avoir envoyé à Alain cette photo que j’ai eu au téléphone Philippe pour la première fois. Philippe portait le pseudonyme « Médecine 33 ». Je ne me souviens plus des détails du commencement de notre histoire parce que je crois que pour moi cela était devenu une chose banale que de dialoguer sur le net ou de téléphoner à des hommes pour les faire jouir ou jouir avec eux. Je jouissais rarement avec eux d’ailleurs. Je ne me caressais que rarement avec eux. Je jouais simplement la passeuse. Une passeuse de jouissance. Une voix de fantasme, des mots réels dans un corps non incarné. Un film ou un magazine pornographique sans images.

Durant cette période qui s'est étalée sur deux ans, d'autres hommes ont été en communication au téléphone rose avec moi. Je n'ai jamais été rémunérée pour écouter ces hommes ou les faire jouir. J'ai été hôtesse au téléphone rose pour mon propre compte, un compte gratuit, pour mon propre plaisir. C'était tout à la fois le plaisir de la jouissance de l’autre et le plaisir pris à exercer une forme de pouvoir avec ma voix. Il n'y avait pas d'enjeu, pas de règlement de comptes sous-jacent avec la gent masculine. Le téléphone rose participait d'un nouveau jeu érotique. « Se fier à une voix, c'est parfois comme suivre une femme dont on a vu que le dos », a écrit Francis Dannemark.

Thursday, November 08, 2007

Les hommes au téléphone 4/18

Le troisième homme avec qui j’ai eu plusieurs dialogues érotiques s’appelait Alain. Il avait 40 ans, vivait dans une grande ville proche de la mienne. Il écrivait sous le pseudonyme de « Gilles ». C’est le seul, à cette époque, avec qui j’ai parlé d’autre chose que de sexe. Les deux autres ne souhaitaient pas discuter, tout comme moi. Je laissais Alain me parler. Il disait avoir une agence commerciale dans laquelle il travaillait seul. Il disait être marié, ne plus aimer sa femme, ne plus lui faire l’amour. Je l’écoutais. Il disait avoir eu une maîtresse de vingt-cinq ans sa cadette. Sa façon de parler était très courtoise, très empruntée, très raffinée. Il ne s’était jamais caressé au téléphone. C’est moi qui lui ai demandé de le faire et lui ai appris. Ma voix le faisait bander immédiatement. J’avais vraiment l’impression de faire l’amour avec lui, il n’y avait rien de bestial, l’excitation était très érotique. J’adorais entendre sa voix qui était de plus en plus excitée, son timbre qui changeait, son souffle qui s’accélérait. Je sentais exactement le moment où il allait laisser aller son foutre. Il était très gêné après, me disait que son bureau était maculé de sperme, sa voix devenait basse, timide, mais toujours douce, et très tendre. Il aimait imaginer notre première rencontre et me la raconter. Il me proposait de nous retrouver dans l’obscurité de son bureau, simplement pour n’entendre que nos voix et découvrir par le toucher ce qui le faisait tant brûler de désir, aimait-il à me répéter. Il ne pouvait s’empêcher de parler d’amour, me disait qu’il était amoureux de moi, qu’il aimerait avoir une photographie pour pouvoir mieux m’imaginer encore, un tissu imprégné de mon parfum, qu’il était prêt à m’attendre. Il réussit à me convaincre. Un jour, je lui ai envoyé une photo de moi, un portrait pris sur la plage, accompagnée d’un de mes foulards parfumé. Il ne cessait de me parler de ma féminité, de ses pensées quotidiennes pour moi. Il était très lyrique dans les messages qu’il laissait sur ma boite à lettres. Je crois avoir fait cela pour voir jusqu’où j’étais capable d’aller. Je ne serai pas allée plus loin avec eux, avec aucun d’entre eux. C’était une règle que je m’étais fixée à l’époque. Pas de rencontre réelle. D’ailleurs moi aussi, je prenais un pseudonyme : « Anna ». Jamais je ne donnais mon numéro de téléphone. C’est toujours moi qui ai appelé, après avoir établi le contact sur internet. A aucun d’eux je n’ai donné mon vrai prénom, ou une indication sur ce que je faisais réellement comme métier, sur ma vie privée.

Wednesday, November 07, 2007

Les hommes au téléphone 3/18

L’autre homme avait le pseudonyme de « Toubib 76 ». Avec lui, jamais, je ne me caressais. Je l’excitais avec des mots. Lui ne parlait presque pas. Il se caressait longtemps, trop longtemps à mon goût. C’était interminable. Je devais lui demander de jouir pour qu’il cesse de se caresser. Il fantasmait sur la vision d'une patiente habillée d’une mini jupe, venant à son cabinet, croisant et décroisant ses jambes, puis se caressant devant lui, pendant que lui, se branlerait devant elle. Plus rarement, il s’imaginait la sodomiser ou la prendre en levrette. Ses fantasmes pauvres et communs ne m’excitaient guère mais quelque chose d’autre me touchait. Son besoin de se caresser dans la journée, son besoin de le faire avec moi. L’imaginer fermer les yeux, assis sur son fauteuil, attendre les mots sortir de ma bouche pour sortir son sexe, mes phrases rythmant les mouvements de sa main. Je compris assez rapidement son envie de jeu de rôles. Il aimait que je joue une patiente vicieuse sous des mots polissés. Il aimait que je lui décrive comment je caressais ma chatte. « Comment fais tu ? que fais tu maintenant ? » revenaient sans cesse dans notre conversation. Je parvenais à le faire jouir en lui demandant de m’imaginer assise sur son sexe dressé, jupe relevée, lui assis dans son fauteuil. Je lui ordonnais de lâcher son foutre pour me faire jouir. Je maîtrisais totalement le rythme et la durée de sa masturbation. C’est ce pouvoir qui m’intéressait.

Il me donna son adresse. Médecin dans une petite ville normande. Aujourd’hui encore, plusieurs années après, il m’arrive d’avoir envie de prendre rendez vous, d’aller le voir et de jouer le réel de ce scénario si souvent imaginé avec lui pour alimenter ses séances masturbatoires.

Tuesday, November 06, 2007

Les hommes au téléphone 2/18

Pierre avait le pseudonyme de « Rugbyman musclé au téléphone ». Il avait 40 ans. Il exerçait sur moi un magnétisme torride. Il ne demandait pas à ce que l’on discute. Il avait une voix très mâle, très sensuelle et très excitante. L’appel était très court avec lui. Il se branlait, jouissait, raccrochait en terminant toujours par la même phrase : « j’aimerai te rencontrer et que l’on fasse cela en réel ». Dès qu’il me parlait, je mouillais. C’était un rapport très animal avec lui. Je n’avais pas besoin d’imaginer un scénario, sa voix paralysait la mienne mais chacune de ses intonations, chacun de ses mots mouillaient les lèvres de ma chatte. Sa voix me pénétrait tout comme l’aurait fait ses doigts. Tout le reste me déplaisait. Je le détachais immédiatement de moi lorsqu’il me disait d’une voix surjouée et machiste, dans un soupir : « Tu sais que tu es bonne, toi. ». Mais le reste de ses mots, de sa voix, me faisait jouir presque instantanément. Il m’appelait à chacun de ses déplacements lorsqu’il se retrouvait seul dans son hôtel. Le matin, souvent. J’étais derrière mon bureau. Il se connectait. Je l’appelais. J’entendais ses mots : « Je suis sur mon lit, nu, j’ai envie ». A entendre sa voix et cette simple phrase, je devenais la plus soumise des maîtresses virtuelles. Je caressais ma chatte et je n’avais qu’une envie, être pénétrée par son sexe comme sa voix me pénétrait à cet instant, d’un seul élan puissant, profondément. Il jouissait d’un cri rauque et profond. Je jouissais d’un long cri. Soupirante, implorante.

Monday, November 05, 2007

Les hommes au téléphone 1/18

Les Hommes au téléphone



L'homme jouit du bonheur qu'il ressent, et la femme de celui qu'elle procure.
Le plaisir de l'un est de satisfaire des désirs, celui de l'autre est surtout de les faire naître.

Pierre Choderlos de Laclos
« Les Liaisons dangereuses »



On découvre au téléphone les inflexions d'une voix qu'on ne distingue pas tant qu'elle n'est pas dissociée d'un visage où on objective son expression.

Marcel Proust
« Albertine disparue »



Durant les semaines précédant ma rencontre avec Philippe, je faisais cela au téléphone toujours avec les deux ou trois mêmes hommes. Le rituel était le même.

Les mêmes mots. « Allo, bonjour, c’est Anna ».

Sunday, November 04, 2007

Saturday, November 03, 2007

Friday, November 02, 2007

Thursday, November 01, 2007

Bientôt un nouveau texte

Dès lundi prochain, un nouveau texte de Ann Aroïs en ligne...