Sunday, April 29, 2012

La seule chose qui compte (texte de Ann Aroïs)


Une musique. Delon sous un soleil bleu italien sortant une anguille de l’eau. La femme qui s’allonge nue sur le ventre contre le sable. Delon qui prend l’anguille et la frappe violemment contre le rocher, une main gantée de cuir.
La femme qui regarde la mise à mort.
La force. La puissance. La virilité.
La femme nue, le désir.
La jambe qui semble signifier l’envie du désir.
Delon qui s’allonge sur elle.
La musique.
Et le soleil brulant.

La scène absolue du désir.

J’ai revu cette scène deux jours après sa venue.

Le souvenir du désir ressenti.
Sentir la force de son corps contre le mien.
Le lit.
Lui contre moi.
Sa main ouvrant les lèvres de mon sexe.
Sa main large. Ses doigts qui me branlent.
Mes gémissements.
Sentir son corps qui se colle plus fortement contre moi.
Le début de la jouissance parce que je ressens cette force.
Les mots que je lui dis.
Soulage moi. Suppliante.
Rentre un doigt. Langoureuse.
Me sentir prise.
Ses doigts qui s’enfoncent.
Son corps qui s’appuie encore plus fortement.
Sa bouche contre la mienne.
Ses mots.
Salope.
Les miens.
Dis le encore.
Salope.
Encore.
Ses doigts qui me font jouir.
Mouiller de plus en plus.
Détendre de plus en plus mon corps.
Tandis que son corps devient de plus en plus fort.
Me sentir prise.

Se sentir prise contre le corps de l’autre qui s’appuie de plus en plus. Le besoin de sentir la force qu’il mettra dans sa queue.

Juste le désir.
Juste ressentir le désir.

La force du désir.
La seule chose qui compte.

Saturday, April 14, 2012

Inviter les hommes dans mon boudoir

Il y aurait une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt.

Marguerite Duras


« L’homme jouit du bonheur qu’il ressent, et la femme de celui qu’elle procure. Le plaisir de l’un est de satisfaire des désirs, celui de l’autre est surtout de les faire naître. »

Pierre Choderlos de Laclos


Il m’a souvent été demandé pourquoi j’écrivais et pourquoi je ne publiais pas. Attendu que la publication ne se fait pas par simple volonté personnelle, j’ai toujours répondu de la même façon à ces deux questions. Je ne cherche pas à être publiée pour garder le secret de mon boudoir. Cet espace où j’écris et où je publie mes textes pour les seuls lecteurs qui passent ici et qui ont envie de s’attarder est un lieu dont j’aime la lumière tamisée. J’écris des mots et des phrases qui m’excitent et me donnent envie de jouir mais j’écris des mots et des phrases pour exciter ceux qui me lisent, leur donner envie de jouir.

Cet échange avec eux est une relation secrète intime.

J’invite des hommes dans mon boudoir pour susciter leur désir.


Je ne connais pas mes lecteurs. Mes lecteurs ne me connaissent pas. J’invite des hommes dans mon boudoir des mots. Je dis des hommes car je ne sais pas si des femmes me lisent. Des hommes me lisent. M’écrivent aussi. Comme les images qui habillent cet espace, je ne découvre rien ou peu, mais je veux que les mots soient crus, soient ceux du sexe et du plaisir.

Des mots posés là, comme des gouttes de sperme sur la peau, des phrases qui glissent comme des doigts entre des lèvres humides. Des horizons qui s’ouvrent comme des lèvres qui appellent à jouir.

J’invite des hommes à jouir avec moi par l’intermédiaire des mots.


J’ai envie de montrer aux hommes une intimité de femme comme si chacun d’eux regardaient par le trou d’une serrure une femme jouir en secret. Derrière les corsets et les dentelles des images se font et se défont des cris de plaisir.

J’aime imaginer qu’un homme bande en lisant mes textes.

J’invite des hommes à me lire pour qu’ils bandent avec mes mots.


Je suis la pute des mots de la côte normande.