Sunday, November 24, 2013
Thursday, November 14, 2013
Boire sa soif (texte de Ann Aroïs)
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« On n’ose guère
avouer que l’on voudrait les plaisirs
du vice en récompense de
la vertu ».
Alain
« Tout
est bon quand il est excessif »
Le Marquis
de Sade
Je cherchais l’essence des saveurs.
J’achetais ce qui me semblait être le meilleur
chocolat. Je laissais fondre un seul petit carré dans ma bouche. Je voulais
sentir le chocolat descendre dans ma gorge. Juste ressentir l’essence du
chocolat.
J’achetais ce qui me semblait être le meilleur vin.
Un vin qui avait le goût du soleil, un vin qui coulait dans moi comme une
caresse.
Juste ressentir l’essence du vin.
J’avais mis longtemps avant de trouver le parfum
juste. Celui, qui capiteux, donnerait envie de lécher ma peau. Un parfum rare.
Un parfum ambré et voluptueux.
J’avais pensé chaque objet de ma maison. J’avais
choisi chaque lumière, chaque tissu, chaque matière.
Je cherchais à faire couler dans ma bouche les
seules choses qui auraient un sens pour mes papilles, un goût qui ravirait mon
palais. Pour que chaque bouchée soit un pur plaisir des sens.
Il est entré dans ma vie par la voix.
Il a réveillé en moi la corde sensible à la voix.
Sa voix était l’essence du désir. Sa voix n’était que sens. Elle éveillait
chacun des miens. Elle caressait ma peau, ouvrait les lèvres de mon sexe,
faisait couler mon ventre, remontait le long de mon cou jusqu’à mon oreille. Sa
voix faisait saliver sa bouche et mouiller mon sexe.
Une maison bourgeoise, une décoration raffinée, une
culture certaine, un langage retenu. Un luxe proche de ma conception de l’art
de vivre. Il y avait en lui une sensibilité qui faisait écho à la mienne. Mais
ce que j’avais aimé par dessus tout c’était sa passion de la jouissance. Un peu
plus de cinquante ans, il avait tout réussi de sa vie, et avait tout dévoré du
sexe et de ses plaisirs. Il avait laissé aller ses envies, multiplié les
expériences. Bien qu’installé dans une vie rangée, il avait su entretenir un
jardin secret d’aventures et de maîtresses.
Il aimait passionnément la musique comme il aimait
passionnément le vice. Le vice baignait sa façon de jouir, berçait ses
fantasmes.
Il disait le mot « vice » et dans sa
bouche, le vice sonnait comme une vertu.
Il n’avait rien perdu de la verve de ses trente
ans. Il n’avait rien perdu de son amour pour le plaisir du sexe.
Il aimait les femmes. Toutes les femmes.
Il savait découvrir dans chaque femme ce qui
pourrait le faire jouir, l’exciter.
Tout aurait semblé vulgaire s’il n’avait pas été
cet homme raffiné.
Mais dans sa bouche tout sonnait juste. Tout était
juste.
Il donnait envie de se soumettre autant que le
dominer.
Il était le savant mélange de deux personnages du
livre de Mirbeau imagée par Bunüel. Il était tout à la fois l’élégant bourgeois
et pervers Rabour fétichiste des bottines de Célestine et tout autant
l’impulsif Monsieur Monteil, en soif de sexe, trousseur de jupons.
Il était l’incarnation de ce monde qui me plaisait
tant, un monde caché dans le secret des chambres à coucher.
J’avais envie d’être avec lui soubrette, femme de
chambre ou femme du monde, esclave ou bien maitresse.
J’avais envie d’inventer avec lui le monde. Un
monde dédié au plaisir.
Au plaisir du vice.
De le laisser me troubler.
Troubler ce qui était chez moi derrière la vertu.
La vicieuse que je pouvais être.
Une vicieuse des boudoirs.
Une vicieuse de l’intime.
Il réveillait en moi tous les jeux du désir.
Tous les fantasmes les plus inavoués.
Je me sentais Belle de Jour dans une chambre du
Chabanais, avec lui.
Il avait quelque chose du magnétisme de Delon.
Quelque chose de félin.
Il donnait envie de danser devant lui
Devant son regard voyeur
Danser comme Jane dans le film de Clément
Devant le miroir sans tain des Félins.
Il donnait envie d’être une chatte langoureuse.
Le mot exciter prenait tous les sens avec lui.
Tous les pores de la peau.
Il donnait envie de lui montrer ce qu’on ne montre
jamais.
L’exciter devenait l’essence de l’excitation.
Il avait soif.
On avait envie de lui donner à boire tout de suite.
Boire sa soif.
Pour laisser couler le désir dans la gorge.
Aucun homme ne connaissait mieux la jouissance
d’une femme.
Pour connaître ce secret, il faut être dans
l’autre.
Aimer infiniment le plaisir.
Aimer infiniment le sexe des femmes.
C’est le seul homme qui avait compris ce qui me
semblait être une évidence
On ne fait jouir profondément que si l’on abandonne
sa propre jouissance pour laisser la place à celle de l’autre.
Avec lui, je pouvais être celle que je suis quand
je me caressais seule.
Je pouvais lui montrer ce à quoi je pensais.
Il savait à quoi je pensais.
Il savait dire avec les mots ce à quoi je pensais.
J’avais envie de tout lui montrer.
Mais avant même de lui montrer, il savait déjà tout.
Devant lui, je pouvais trouver du plaisir à montrer
mon sexe ouvert
A le caresser devant lui
A le laisser me regarder
Je pouvais lui demander de me lécher jusqu’à plus
soif
Je pouvais ne penser qu’à mon plaisir
Une chose m’étonnait néanmoins.
Il ne demandait jamais à être sucé
Comme tous les hommes que j’avais jusque là connu
Il ne demandait jamais à baiser
Son plaisir était ailleurs
Dans le plaisir des voyeurs
Son plaisir était dans le vice
Dans le plaisir des exhibitionnistes
Il aimait regarder les femmes assises dans les
squares
Il aimait qu’elles le regardent se caresser
Il aimait qu’elles écartent leurs cuisses et
laissent entrevoir ce qu’il ne pouvait qu’imaginer
Il aimait que je lui raconte des histoires
d’adolescence
Lorsqu’un oncle me frôlait
ou qu’un autre me serrait dans un coin pour
caresser mes seins
Il se caressait pendant que je lui racontais
Il aimait tout ce qui suggérait le sexe
Tout ce qui annonçait le désir
Il bandait à chaque récit
Il donnait envie d’être Colette,
Ecrivant les histoires de Claudine
Il aurait pu être Willy
Il en avait la culture et le talent
Le talent pour faire sortir de moi ce qui de la
vertu devenait du vice
Il appelait
J’entendais sa voix
Et je devenais à l’instant l’objet de son vice
Je me sentais la plus désirée des femmes
Je résistais souvent
Je ne voulais pas lui obéir
Je ne voulais pas être la jeune fille dévergondée
Je ne voulais pas être la femme vicieuse qu’il
imaginait
J’aimais l’intimité du boudoir
Je ne voulais pas qu’il me pousse à aimer être avec
d’autres hommes
devant lui
Je me sentais mal souvent de cela
Je n’aimais pas qu’il se vexe
que je ne puisse répondre à ses désirs au moment où
il en avait envie
Je n’aimais pas qu’il s’impatiente
que je ne sois pas disponible à l’heure et au jour
dit
Rien ne l’importait tant que répondre à son désir
Et susciter le désir
Baigner dans la jouissance
Plus rien d’autre n’existait quand il appelait
Sa voix suscitait déjà en moi le meilleur des
plaisirs
Le plus profond
Sa voix ouvrait mon sexe
Je n’ai jamais vu cet homme.
Je ne l’ai jamais touché.
Pourtant,
J’ai montré de ma jouissance ce que je n’ai jamais
montré à personne d’autre.
Il m’a entendu jouir comme s’il m’avait vue.
Ce que Duras a dit un jour de l’écriture me
semblait être la meilleure définition de ce qu’était cet homme.
Il y aurait
une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans
grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien.
Egarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt.
Il y aurait un désir du non-dit. Un jour ça
arrivera. Une relation de désir brève, sans rencontre, un désir de mots seuls.
Des mots sans grammaire de soutien. Egarés. Là, seulement dits dans des soupirs
de plaisirs. Et quittés aussitôt.
Voilà ce qu’était cet homme.
Ce qu’on ne dit jamais.
Ce qui seulement se transmet dans le plaisir.
C’était l’amant rêvé.
Un homme qui se plaisait à découvrir des femmes
pour pouvoir en rêver.
Et jouir.
Jouir et rêver.
Jouir et rêver de cet homme.
L’entendre et le laisser tout savoir de soi.
Jouir.
Raccrocher.
Epuisée.
Ecouter la treizième sonate en la majeur de
Schubert.
Apaisée.
Penser au raffinement de cet homme
et savoir qu’on a dans le secret été avec lui la
plus vicieuse des femmes.
Monday, November 11, 2013
Monday, October 28, 2013
Nouveau texte de Ann Aroïs : "Pourquoi"
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Tu me donnes beaucoup
l’envie d’aimer.
extrait de
« Hiroshima, mon amour » / Marguerite Duras
C’est ça l’écriture. C’est
le train de l’écrit qui passe par votre corps. Le traverse. C’est de là qu’on
part pour parler de ces émotions difficiles à dire, si étrangères et qui
néanmoins, tout à coup, s’emparent de vous.
extrait de « Ecrire » /
Marguerite Duras
C’était à Versailles d’abord
Après Rameau
A l’Opéra Royal
C’était
Dans un décor de feutre rouge
Sous le doux miroitement des
lustres
Un dîner
Sous la verrière 1900
De la Grande Cascade
Elle parle.
Doucement.
Il la regarde.
Sourit aussi.
Un sourire doux.
Il pose son regard dans ses yeux.
Verts.
Elle est elle.
Comme toujours avec lui.
Il reste silencieux.
Elle est gênée par son silence.
Il regarde ses yeux.
Il touche sa main.
Elle ne dit plus rien.
Elle glisse lentement sa main.
Il la retient.
Doucement.
Elle sent la chaleur de sa main
sur la sienne.
Il dit tout bas et lentement
J’ai envie de vous.
Elle dit tremblante
Non.
Il dit
J’ai envie de toi.
Il ne l’a jamais tutoyé.
Il n’a pas le droit de la tutoyer.
C’est la règle.
Il caresse sa main.
Elle sent son cœur trembler.
Elle sent les larmes couler
Doucement
Sur ses joues.
Il essuie avec ses doigts les
larmes.
Doucement.
Il dit
Pourquoi ?
Elle regarde ses yeux
Elle dit
Mon corps est si abîmé.
Il dit simplement et doucement
Non.
Elle répète
Mon corps est si abîmé.
Il sèche la larme qui coule.
Il dit que son corps est elle
Et qu’elle, elle est belle.
Il dit qu’il a envie d’elle.
Elle dit
Tu ne connais rien de mon corps.
Il dit
Je connais mieux que quiconque
l’histoire de ton corps.
Elle sait.
Parce qu’elle lui a tout montré
d’elle
Pendant ces années
Il l’a vue souffrir de ce corps
Il l’a vue retrouver le sourire à
chaque petite victoire
Il dit
Je veux te voir jouir
Je veux jouir avec toi
Elle dit
Je ne montrerai jamais ce corps.
Après un tout petit silence, il
parle.
Ce corps est ton histoire.
Il est toi et c’est de toi dont
j’ai envie.
Pourquoi ?
Dit elle.
Parce que c’est toi.
Parce que j’ai eu envie de toi
presque à chaque fois
Même si je n’en avais pas le
droit.
Cette fois c’est moi qui s’ouvre à
toi.
Je ne pourrais pas.
Avec toi.
Ni avec aucun autre.
C’est avec moi que tu le pourras.
Pas parce que c’est moi ou que
c’est toi.
Simplement parce que j’ai envie de
toi
Pour ce que tu es toi
Ton corps et toi
Laisse moi être dans toi
Moi qui connais tout de toi
Laisse moi te montrer qui tu es
toi
Je ne suis ni Jung, ni Allendy,
Tu n’es ni Sabina Spielfrein, ni
Anaïs Nin
Je suis moi
Tu es toi
Et parce que maintenant tu es
encore plus toi
Alors je peux être vraiment moi
Et te redire combien j’ai envie de
toi.
Ton corps n’est pas abîmé
Il est l’abîme d’une histoire
Mais il n’a rien enlevé de ta
beauté
Ni de ce que tu es.
Dans l’abîme sans fond mon regard
a plongé
A écrit Lamartine
Laisse moi écrire sur ta peau
Les baisers du plaisir
Pour que jamais ne s’abîme
Ce que tu suscites en moi
Le bonheur de t’aimer et de te
désirer.
Monday, October 14, 2013
Wednesday, May 15, 2013
Au fond du jardin (partie 13 et fin...)
Philippe caressa mes jambes et s’allongea
entre mes cuisses. Il approcha son visage et le posa sur mon sexe. Aucun homme
n’avait pris ce plaisir non feint à respirer l’odeur de mon sexe. Il recommença
ce même geste. Je me sentais plus nue que jamais. Il remonta son corps, approcha son visage du mien et
m’embrassa. J’ai dit « encore ».
Avec sa langue, il ouvrit les
grandes lèvres. Il lécha mon sexe à grands coups de langue. Je sentais des
frémissements courir le long de mes reins. Il tenait mes cuisses écartées, continuait
à respirer mon sexe de plus en plus ouvert. Plus mon sexe s’ouvrait, plus il me
respirait. Il fouilla ma chatte longtemps. Je jouis sous ses coups de
langue. A nouveau il remonta son
corps sur le mien. Il suça mes tétons, prit dans ses mains épaisses mes seins,
plongea son visage entre les deux. D’une main, il écarta un peu plus mes
cuisses et caressa mon sexe de sa paume large. Il entra un doigt doucement. Je
gémis. Il l’enfonça un peu plus puis le retira un peu et le rentra à nouveau.
Je sentais mon sexe trempé sous ses mouvements. J’ai dit « entre un autre
doigt ». Il entra un second doigt. J’ai dit « viens ». J’ai senti
son sexe dur entre mes cuisses. Je l’ai senti rentrer en moi profondément. Au
fonds de moi.
Il me lima avec ardeur. Je
sentais toute sa force dans sa queue. Il jouit assez vite. J’en ressentais une
certaine frustration. J’aurais aimé qu’il me lime encore. J’avais pris beaucoup
de plaisir à être léchée, comme jamais je ne l’avais été jusque là.
Mais j’aimais finalement qu’il me
baise ainsi, avec force et rapidité. Cela répondait aux fantasmes que j’avais
eu lorsque Philippe m’avait évoqué l’amant de Lady Chatterley. J’aimais que cet
homme proche de la nature me baise sans retenue. Il disait respirer mon sexe
comme il aimait respirer la terre mouillée après la pluie dans la forêt.
Philippe est venu dans ma maison
de Bretagne. Plusieurs matins.
J’avais pour habitude d’accueillir des amis. Tous dormaient à l’étage.
Vers six heures, je quittais ma chambre du premier étage de la maison.
J’ouvrais la porte-fenêtre de la chambre du rez-de-chaussée, vide, et faisait
entrer Philippe. Je refermais doucement la porte de la chambre. Philippe
m’embrassait. Je le laissais caresser mes fesses sous la soie. Je m’allongeais
sur le lit, je le laissais écarter mes cuisses, respirer ma chatte. J’attendais
ses coups de langue. Je savais que j’allais jouir sous sa langue. Il me fallait
jouir en silence pour ne pas réveiller la maison. La frustration était grande
mais l’excitation était si intense que je ne pouvais pas mettre en balance le
danger d’être surprise avec le plaisir de ma jouissance. Philippe me pénétrait
vite et très fort après m’avoir fait jouir.
Philippe repartait. Je
l’embrassais, pieds nus sur la terrasse en bois devant la maison. Il partait un
peu avant 7h. Il faisait encore frais dehors et j’aimais cette sensation. La
rosée sur l’herbe, le calme du jardin, les premiers rayons sur les fleurs.
L’odeur du jardin le matin.
Je regardais les arbres.
J’allais chercher un gilet. Je restais sur la terrasse, assise, à respirer
l’odeur du jardin frais.
J’attendais la venue de Philippe
comme un rituel. Il nourrissait mon sexe comme il faisait pousser une plante.
J’avais besoin de sa langue, de sa force, de ses coups de queue. Je me sentais
apaisée lorsqu’il partait. J’écrivais la journée, préparait le déjeuner pour
mes amis, les laissait aller à la plage. Lorsqu’ils partirent après trois jours,
j’étais heureuse. Je savais que je pourrais jouir sans retenue, que je pourrais
crier, gémir, sous les coups de langue de Philippe.
Le dernier jour avant que je ne
reparte de la maison de Bretagne, un livreur vint m’apporter un bouquet de
pivoines roses. Un mot accompagnait le bouquet. « Un jour, tu écriras un
texte qui s’appellera Au fond du jardin. »
En ouvrant dans la bibliothèque
le livre qui me donnerait le sens de ce message, je lus que la pivoine rose
signifiait « je vous aime mais je suis trop timide pour vous
l’exprimer ».
J’ai simplement envoyé un mot à
Philippe.
« J’aurai pu appeler ce
texte Conte d’été car pour la
première fois j’ai écrit un texte envahi de décors et d’odeurs, j'ai écrit un texte qui ne me ressemble pas. A moins qu'il ne ressemble à mon jardin...
Le sexe est la racine,
l’érotisme est la tige et l’amour est la fleur, a écrit Octavio Paz.
Je ne peux te donner le fruit.
Il faut simplement garder en toi
comme je garde en moi au fonds de mon jardin secret le souvenir du plaisir,
comme on garde le souvenir d’un parfum.»
Tuesday, January 01, 2013
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