Ça commence.
Sur la table, la machine brillante chauffée par le soleil. Les touches brûlantes sous mes doigts.
Sous la table, ses doigts brûlants sur ma chair. Mes cuisses blanches s’ouvrent sous ses caresses. Je laisse aller la chaleur de ses mains glisser sur ma peau, comme le soleil glisse sur mes épaules. J’aime écrire sous la chaleur d’un soleil brûlant. Des images me reviennent en mémoire. Les images volées par les trous de serrures des chambres d’une maison discrète dans une petite rue bourgeoise. Des jeunes femmes alanguies sur des canapés rouge, des lits de soie brodée. Des hommes en chemise fouillant sous les jupons. Je confie à ma Remington les petits secrets des boudoirs cachés de la ville. Comme Hemingway racontait les aventures de Jake Barnes, je raconte les histoires des Aspasie modernes. Expertes du cul, elles laissent ces hommes polissons soulever leur jupe et chercher entre leurs lèvres le fruit qu’ils feront mûrir entre leurs doigts. J’appuie sur les touches, l’encre se dépose sur la feuille blanche et je regarde chaque mot en silence. Je sens ses doigts ouvrir mes lèvres lorsque mon esprit est occupé à écrire les mots. J’ouvre la bouche et laisse aller des mots de plaisir lorsqu’il lèche ce qui se dépose sur sa langue, un filet d’encre blanche transparente, fruit de mes souvenirs de voyeuse et de jouisseuse. Car il me fait jouir. Sa langue appuie sur mon clitoris comme les touches de ma Remington appuient sur le papier. Et je n’ai qu’une envie à cet instant, que l’écriture continue, qu’il raconte lui aussi le livre de ma jouissance.
Ann Aroïs
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